Table ronde n°2
Présentation de la problématique et de la partie réglementaire :
François FORIN, Président du Centre de Gestion de MEURTHE-ET-MOSELLE (54)
Exposé des besoins et des attentes des collectivités et des agents vis-à-vis des Centres de Gestion concernant l’organisation de la gestion décentralisée de l'emploi territorial :
- Grands témoins
Paul FRELAUT, Directeur des Ressources Humaines, Conseil Général de l’YONNE (89)
Lionel MORI, Syndicat SG CFDT Interco, CÔTE D’OR (21)
Mesdames, Messieurs,
Au delà de la nécessité de cette première conférence interrégionale des centres de gestions, je tiens exprimer tous mes remerciements à Monsieur Laurent FURST, Président du Centre de Gestion du Bas-Rhin de nous accueillir en ces lieux mais également et tout particulièrement à Michel BACHELARD, Président du Centre de Gestion de Côte d’Or et Viviane PUGNET, sa directrice, de m’accorder leur confiance, de m’avoir invité à cette première réunion et (entre nous) j’espère qu’ils n’auront pas à le regretter.
Mon intervention est composée de deux parties :
- la première que j’intitulerai « constat »
- La deuxième : « nos besoins » ou plus syndicalement, « nos revendications »
Jeune, uniquement dans la fonction de secrétaire général du syndicat CFDT Interco Côte-d’Or, j’ai dressé, après une année de pratique, de contacts avec les agents, de rencontres toutes aussi riches les unes que les autres, un premier constat des problématiques, difficultés et iniquités que rencontrent nos collègues issus, majoritairement, des petites et moyennes collectivités.
Il faut dire que j’ai la chance d’être à un poste essentiel qui me permet d’avoir une vision globale de l’ensemble des collectivités du département et d’être au cœur des revendications des agents.
Pour commencer la « longue série noire » des constats, j’évoquerai les nombreux conflits liés à la fiche de poste, souvent inexistante ou la plupart du temps inadaptée. Force est de constater que la rédaction d’une fiche de poste pour chaque agent ne fait pas l’unanimité dans grand nombre de collectivités.
Est-ce pour un meilleur confort de l’institution ?
Est-ce pour garder une liberté ou un grand flou quant à l’attribution des tâches ?
Quoi qu’il en soit, les missions dévolues aux agents ne correspondent pas toujours à leur grade et par conséquent à leur rémunération. Les charges de travail réelles s’avèrent souvent excessives. Les objectifs sont couramment disproportionnés voire mal ou pas définis.
Liés directement ou indirectement à cette fiche de poste, le temps de travail reste également une préoccupation majeure des agents et objet de discorde :
- Le calcul du temps travaillé et les horaires demandés (amplitude horaire, temps de repos…)
- Les heures supplémentaires
- les récupérations,
- le calcul de congés des temps de travail annualisés,
- les astreintes, qui sont imposées par les services, mais qui ne sont pas rémunérées comme les textes en vigueur l’obligent
autant de sujets et d’interrogation que les agents appréhendent et que personne, à ce jour, n’est en capacité de renseigner hormis les organisations syndicales.
La formation demeure également un problème crucial dans le parcours professionnel des agents. Très souvent réduite au strict minimum, la formation, dans ce cas, ne permet aucunement une évolution de carrière. Par exemple, nos collègues ne sont peu ou pas informés des possibilités qu’ils ont de s’inscrire à la préparation aux concours, qui leur permettrait de gravir plus rapidement les échelons et les grades et de terminer leur carrière de façon beaucoup plus décente et honorable.
A ce manque d’information, notons également que le défaut de communication est à prendre sérieusement en compte. Parfois inexistante, souvent partielle et généralement difficile, une communication de mauvaise qualité :
- créée l’incertitude des agents quant à savoir ce que l’on attend d’eux dans leur travail,
- les déstabilise dans leur fonctionnement,
- et jette le trouble sur leurs compétences professionnelles.
Il n’est pas rare également de rencontrer des collègues en situation de malaise physique ou mental :
- qui se sentent peu ou pas soutenus dans leurs missions par leur employeur,
- qui subissent des pressions notamment sur leur déroulement de carrière
- et qui ont l’impression de ne pouvoir faire face à des situations délicates engendrées par une désorganisation de leur collectivité.
L’hygiène et la sécurité des agents sont également des éléments très souvent laissées pour compte par les employeurs. Je ne citerai là que quelques exemples :
- non-respect des règles d’utilisation des produits toxiques
- ergonomie des postes de travail
- Vaccinations telle que la leptostérose, l’échinococcose…
- Etc…
A qui reviendrait la responsabilité de règles non respectées en la matière ?
Le Régime indemnitaire
En ce qui me concerne, j’ai la chance de faire parti d’un conseil général, collectivité importante, dans laquelle nous avons négocié un régime indemnitaire équitable pour tous, par grade, par filière et prenant en compte la fonction !
Mais qu’en est-il des autres collectivités de moyennes et petites importances ?
Souvent une catastrophe !
Et là, je vous assure qu’il vaut mieux être proche de l’élu ou de la direction pour en bénéficier. Un système mal ou pas appliqué, totalement inéquitable.
Tous ces facteurs, pris de manière individuelle ou cumulés, génèrent des pressions, un stress, un mal-être qu’il est important d’enrayer pour le confort non seulement des agents mais également de leur hiérarchie.
Pour clore cette première partie, j’évoquerai les difficultés que nous avons d’initier (de proposer) l’idée même d’un dialogue social. J’ai été confronté, encore récemment, à des refus de rendez-vous avec certains maires dont le seul but était d’évoquer tout simplement la situation de tel ou tel agent. Je serai presque flatté de faire peur, mais là n’est ni mon rôle, ni mon objectif !
Je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler un droit fondamental, inscrit dans notre Constitution, qui donne à chaque salarié la possibilité d’exercer librement une pratique syndicale ! Pourquoi avons-nous tant de difficulté à faire respecter ce droit dans certaines collectivités notamment en ce qui concerne les Heures mensuelles d’information, le temps de préparation des instances paritaire.
Nombreux sont les agents qui souhaiteraient participer à une activité syndicale et qui n’osent, de peur de représailles ! Surprenant non ? Et cependant c’est une réalité.
Ne sommes-nous plus dans un Etat démocratique ?
Quant à moi, je n’hésite pas à vous rappeler un des objectifs de notre syndicat : des agents mieux considérés, respectés, permettront de faire en sorte que le service public rendu aux usagers soit un véritable service de qualité. Une de nos valeurs fondamentales. Cela parait tellement simple… et pourtant !
Si vous me le permettez, Je passerai maintenant à la seconde phase « nos revendications ».
Vous verrez que ces revendications n’ont, malheureusement, rien d’extraordinaire. Je demande tout, bêtement devrai-je dire, le respect et l’application des textes en vigueur !
A commencer par la « fiche de poste »
Un des fondements de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, incontournable bien que peu utilisée, la fiche de poste se doit d’être claire, détaillée, adaptée aux missions de l’agent dans son grade, son cadre d’emploi, sa filière.
Une fiche de poste peut ou doit être évolutive. Forcément établie en concertation entre l’agent et sa hiérarchie, elle doit être révisée lors de chaque entretien d’évaluation.
Toutes les missions d’une fiche de poste se doivent d’être observables, quantifiables et par là même contestables.
Je connais le travail fait par le CDG 21 sur les fiches de poste et sa volonté de la faire accepter dans les collectivités, certainement parfois en vain ? Vous donnera-t-on, demain, plus de moyens légaux pour l’imposer ?
Inévitable frère siamois de la fiche de poste, autre inéluctable de la GPEC, j’ai nommé : l’entretien d’évaluation. Ce passage obligatoire est, la plupart du temps, inexistant ou s’il existe, est bâclé en 5 -10 minutes.
- Comment arriver à faire comprendre que l’entretien d’évaluation ne doit pas être simplement la remise d’une appréciation, d’une note entre deux portes ?
- Comment faire comprendre que l’entretien d’évaluation permet d’établir un dialogue, au moins une fois dans l’année où évaluateur et évalué pourront enfin se rencontrer, échanger, construire ensemble toujours dans le seul et unique but de « servir » quantitativement et qualitativement l’administré ?
- Comment faire comprendre que l’entretien d’évaluation permet de faire le bilan de l’année écoulée et ce, quel que soit sa fonction ?
- Que celui-ci permet de fixer des objectifs (atteignables bien évidemment) ?
- Comment faire en sorte que cette démarche permette de remotiver un agent dans ses missions ?
- Comment faire en sorte que ce dialogue soit positif, bénéfique pour chacun d’entre nous ?
- Comment faire en sorte que cet entretien débouche sur une formation adaptée non seulement aux missions de l’agent, à l’attente de son institution mais également à son déroulement de carrière ? GESTION PREVISIONNELLE DES EMPLOIS ET DES COMPETENCES !
- Comment faire pour que l’évaluation soit la plus objective possible et tende à faire disparaitre la part de subjectivité qui sera toujours un obstacle dans le déroulement de carrière des agents ?
- Comment faire en sorte que deux personnes rétablissent un échange, d’égal à égal et non pas dans une espèce de pouvoir de « domination » de l’une sur l’autre ?
Autant de réponses que la CFDT et d’autres organisations syndicales sont en mesure d’apporter lors de négociations sur ce thème précieux, avec les centres de gestions comme avec les collectivités !
Nous avons une expérience, un savoir faire, des compétences et nous ne serons pas avares quant à les partager.
Mais que diantre, établissons un dialogue social de qualité et valorisons l’entretien d’évaluation !
Je me permets une dernière question sur ce thème : de quelle marge de manœuvre bénéficieront les centres de gestions pour IMPOSER un entretien d’évaluation de qualité ?
J’en arrive au régime indemnitaire :
Comme je l’évoquais précédemment, le régime indemnitaire représente la plus grande disparité entre les collectivités locales et territoriales. Mis en place de façon réfléchie, négocié, dans certaines grandes collectivités, parfois dans les moyennes, il est quasi inexistant dans les petites collectivités.
Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est pas rare que les agents qui bénéficient d’une N.B.I. confondent celle-ci avec le régime indemnitaire !
Comme vous le savez, le régime indemnitaire repose sur les principes suivants
- La libre administration des collectivités locales
- Les principes de parité et de légalité
Quelles sont les conséquences de ces dispositions :
- Il est vrai que le R.I. n’est pas un droit mais une possibilité è pas d’application automatique résultant de la seule publication d’un texte au J.O. sur le R.I. è c’est, en effet, l’assemblée délibérante qui décide en toute opportunité de sa mise en œuvre totale ou partielle
- Les primes instituées doivent être prévues par un texte : les collectivités ne peuvent pas créer une prime
- Un agent ne peut prétendre qu’aux primes attachées à son grade
- Tous les grades n’ont pas le même type de primes
Ce que nous revendiquons :
- Un régime indemnitaire équitable, un régime indemnitaire pour tous quelle que soit sa collectivité !
Comment pouvons-nous, centres de gestions et organisations syndicales, faire appliquer les textes en vigueur ?
- Pourquoi pas en proposant et conseillant la signature d’une charte aux collectivités, en expliquant la procédure à suivre et l’engagement à respecter après avoir
- travailler ensemble sur un seuil plancher
- et en veillant à une application du régime indemnitaire à tous les fonctionnaires des collectivités locales quels que soient sa filière, son grade, sa fonction.
N’est pas là votre rôle de conseiller ? N’est-ce pas là notre rôle de négociateur ?
Par ailleurs, la naissance des communautés de communes ou d’agglomération met en exergue ces disparités. Comment accepter que des collègues, travaillant dans une même institution, ne bénéficient pas de la même rémunération ?
Si toutes ces mesures peuvent s’inscrire dans la gestion décentralisée de l’emploi territorial par les centres de gestion, pourquoi ne pas aller plus loin dans la démarche en travaillant sur un autre dossier important mais tout aussi délicat que le précédent : « une action sociale pour tous » .
Très souvent il y a confusion entre l’action sociale que je définirai comme « statutaire » et le lien social qui correspond plus aux objectifs d’une amicale.
Des prestations telles que :
- les réductions cinéma, d’entrée dans différents parc de loisirs
- voyage,
- sports en groupe
- achats groupés
relèvent d’une amicale. Peut-être serait-il judicieux de créer ce lien social « centre de gestion » permettant un grand nombre de prestations pour l’ensemble des agents relevant de son champ de compétences.
Par contre, conformément aux lois de février 2007 en matière d’action sociale obligeant les employeurs territoriaux à satisfaire sans délais à ces nouvelles obligations, l’idée de développer, via les centres de gestion, une action sociale départementale répondrait à une de nos revendications majeures.
Trois grands thèmes pourraient être retenus :
LES ENFANTS, LA VIE QUOTIDIENNE, LA VIE PROFESSIONNELLE
LES ENFANTS :
- L’allocation naissance- adoption
- Le CESU (Chèque emploi service universel)
- L’allocation rentrée scolaire
- Les séjours scolaires
- Les prestations vacances
- Les prestations enfants handicapés
LA VIE QUOTIDIENNE,
- Les prêts étudiants
- L’aide à l’installation des personnels
- Les prêts divers (accession à la propriété, amélioration de l’habitat…)
- Les chèques vacances
- L’allocation parents en repos, l’allocation mariage ou Pacs
- Participation aux mutuelles.
LA VIE PROFESSIONNELLE
- Les médailles d’honneur
- Les titres restaurant
Je rêve ? Non ! Je revendique tout simplement !
Chaque prestation permet une amélioration sensible du pouvoir d’achat de chaque bénéficiaire. Certaines prestations ont un caractère réglementaire valable pour l’ensemble des fonctionnaires et d’autres peuvent être créées dans le cadre d’une politique sociale en faveur du personnel.
Alors, un service de prestation sociale dans les centres de gestion pour l’ensemble des agents qui en dépendent ? Pourquoi pas ? Ce serait une avancée formidable !
Une autre solution peut également être envisagée : passer par un prestataire tel que le C.N.A.S. (Comité national d’action sociale).
Les Centres de Gestion semblent être à un tournant de leur histoire ?
Ces propositions ne sont que des pistes de travail. Commençons doucement, établissons un échéancier ? Et ensemble construisons l’avenir ! Saisissons cette opportunité.
Pour clore mon intervention, je voudrais rappeler que, souvent, des agents voient leur stage se terminer pour insuffisance professionnelle, pas toujours justifiée mais tellement pratique, ou se retrouvent en conseil de discipline pour une faute commise. Des sanctions tombent, parfois lourdes !
Qu’en est-il d’un maire qui ne respecte pas les textes ?
Fait-il l’objet d’une sanction ? Inéligibilité par exemple ? Non.
Trouverons-nous enfin en les centres de gestion, une entité capable de rétablir le droit des fonctionnaires souvent bafoué et d’imposer le respect de notre statut par des élus trop souvent irrespectueux et parfois méprisant ? Je l’espère, les organisations syndicales l’espèrent et les agents l’attendent.
Si mes propos et mon intervention vous ont semblé parfois durs, ils ne sont que le reflet de mon quotidien de secrétaire de syndicat et il me semblait absolument nécessaire de vous les restituer en l’état.
Michel, Mme PUGNET, sans regret ?
Je vous remercie.
Exposé technique relatif aux procédures mises en œuvre par les Centres de Gestion:
Alain FAIVRE, Directeur Général des Services du Centre de Gestion de la MEURTHE-ET-MOSELLE (54)
Questions de la salle :
- Animation :